







MALENTENDUS
Malentendus retrace le parcours d’un jeune homme né sourd dans une famille bourgeoise. Enfant, puis adolescent, il est contraint à l’oralisme par un père autoritaire qui ne veut pas entendre parler de la langue des signes. Isolé, il invente ses propres langages depuis sa cabane en bois : « des signes face à un miroir », « des histoires dessinées ». Héros malgré lui, il « se sauve » finalement... en fuyant le domicile familial.
Le retour dans la « maison de la tyrannie de la parole » aura lieu dans les années 2000, où il retrouve son frère et sa sœur, pour trancher les questions relatives à l’héritage familial. C’est depuis cette scène cathartique, où les différents langages des protagonistes vont se dévoiler et se confronter, que le spectacle débute.
Pour offrir toute la richesse de cette histoire, la distribution est composée d'acteurs parlants ou/et signants, sourds et entendants. La surdité y dévoile son histoire, aussi méconnue que violente, et devient le révélateur de ce que projettent les parents (et par extension la société) sur leurs enfants.
MALENTENDUS A LA BONNE ECOUTE
En agitant les mains en l'air ou en les frappant l'une contre l'autre : il y a deux façons d'applaudir, mais mardi soir au théâtre, il n'y avait qu'un seul message unanime de félicitations à l'issue de Malentendus – l'enfant inexact, spectacle de la compagnie des Lumas adapté et mis en scène par Eric Massé, à partir du roman de Bertrand Leclair. Une même communion à l'issue d'une pièce bilingue – en français et en langue des signes française – passionnée et passionnante, après avoir été étonnante et déroutante. Où le spectateur, comme l'acteur, doit d'abord apprendre à jongler entre le signe et la parole, la traduction de l'un et de l'autre étant tantôt intégrée dans le récit, tantôt assurée sur un écran placé au-dessus de la scène.
Cette histoire à plusieurs je(ux) est celle de Julien Laporte, né sourd dans une famille qui refuse d'entendre parler de langue des signes. Il y a la mère qui se sent "coupable", le père imprimeur qui voit en son fils "une honteuse faute de frappe", un frère dont le "ressentiment" éclate des années après et une sœur prise en plein cœur de ce conflit familial. (...) Loin de l'idéal souhaité par ses parents, l'enfant est mal entendu, ses émotions incomprises. Même privé de langue des signes, il multiplie pourtant les moyens d'expression, parfaitement mis en scène lors du spectacle. Il y a la vidéo, projetée sur un mur. Son regard. L'écriture. Les dessins, vus par ses parents comme un loisir mais qui traduisent les sentiments du jeune garçon, à l'image du croquis de cette bouche qui le hante.
La surdité ne devient qu'un prétexte, l'écoute, la vraie problématique. Enfermé dans ce monde, le jeune sourd fugue. Physiquement et psychologiquement. Ses émotions se libèrent au fil de son émancipation et les barrières de la langue tombent, sur scène mais aussi avec le public. (...) Le spectateur vient rapidement à oublier le caractère bilingue du spectacle, qui se fond dans une mise en scène réussie, travaillée lors d'une résidence d'artistes à Aurillac. Les émotions prennent le dessus, et laissent apparaître la vraie frontière, mise en lumière par les derniers mots de la pièce : "L'Amour, cette langue étrangère."
Par Arthur Cesbron
LA MONTAGNE
LA COMEDIE DE VALENCE DELIE LES LANGUES
Depuis qu'il a pris les rênes du CDN Drôme-Ardèche, Richard Brunel s'entoure d'un collectif artistique, renouvelé l'an dernier, qui permet à la Comédie de Valence d'affirmer la pluridisciplinarité des formes et des langages. Au sein de cette équipe qui réunit Jeanne Candel, Carole Guila Nguyen, Norah Krief, Catherine Ailloud-Nicolas, Samuel Achache, Mathurin Bolze, Lancelot Hamelin et Eric Massé, ce dernier occupera, cette saison, une place singulière.
Outre la reprise de la Femme Verticale, en mars au Théâtre Jean Marais de Saint-Fons, le co-fondateur avec Angélique Clairand de la Compagnie des Lumas, conclut un projet initié en 2013 à la Fête du Livre, autour du langage des signes. "Lorsque Angélique et moi avons lu le roman de Bertrand Leclair nous avons fondu en larmes", explique le comédien et metteur en scène qui, depuis la création de sa compagnie, s'intéresse aux personnes en marge. "La marge nourrit la norme et la transforme." Cette profession de foi de Claude Chalaguier inspire ce spectacle interprété par un acteur sourd, Stève Recollon, une actrice qui parle les deux langues, Géraldine Berger, Angélique Clairand et Simon Deletang. Malentendus démarre avec le retour du fils, après la mort de ses parents, et la confrontation avec le frère et la sœur. (...) Suit un flash back qui raconte son itinéraire, objet de ce spectacle de près de deux heures qui délie les langues dans le public. Après l'Echappé à Sorbiers, en janvier, et la Comédie de Valence, Malentendus sera à l'affiche de la Renaissance à Oullins et de l'Atrium de Tassin en février.
Par Antonio Mafra
TOUT LYON AFFICHES